Je tiens sur les nerfs...

Publié le par Eolean

Je suis épuisé...Un an que je tiens sur les nerfs... Je n'y arrive plus...Je pleure tout le temps. Je perd mon père chaque jour. Je suis devenu son phare, et il s'éloigne sans que je ne puisse rien faire pour le retenir. J'ai tout essayé mais il s'en va... Il ne s'en va pas sereinement. Il meurt. Chaque jour des pans entier de ce qu'il était sombre dans l'abîme. Des fragments de sa mémoire, de sa personnalité, de sa vie s’effondrent à chaque instant...

Une maladie atroce... Non, ce n'est pas une maladie. C'est une torture. Un mal impitoyable qui ronge son cerveau et nos coeurs, un peu plus chaque jour. Et cette saloperie le maintient en vie pour qu'on en profite tous. Qu'on soit tous là aux premières loges, afin que chaque jour nous puissions souffrir de ce que l'on perd, de ce que l'on n'aura plus jamais...

Je songe sincèrement à l'euthanasie. Jamais plus il n'éprouvera le bonheur, il aurait détesté, haït ce qu'il est devenu. Rien que de lire des infos dessus je me déteste pour ça. Mais de toute façon, ce n'est pas possible pour un malade d'alzheimer. Il n'a plus toute sa tête alors il se doit de souffrir jusqu'au bout... Comme si une loi pouvait s'arroger le droit de tracer une ligne blanche sur un des sujets les plus noirs et les plus humains qui puisse exister...

A part ma fille, je n'ai jamais aimé quelqu'un plus que mon père. Il m'a tout donné. Il s'est battu pour moi quand ma mère voulait m'avorter. Il s'est battu pour me garder. Pour m'élever. Pour me donner toutes les chances dans la vie, il m'a toujours supporté, aidé, sans jamais broncher. Et je n'étais pas toujours facile. 

Et moi je fais quoi ??? Je le mets dans une maison de retraite, avec d'autres malades. Il est dans une maison de fou. Fou qu'il est entouré de fou plongeant de plus belle vers la folie que lui dicte sa maladie...

Je lui plante moi-même le couteau dans le dos qui le précipite vers le néant de ce qu'il a été. L'anti-être comme l'anti-matière de l'esprit. Il devient l'inverse de ce qu'il était. Il devient ce qu'il redoutait le plus. Il devient ce qui lui faisait le plus peur. Les portes de sa psychose se referme sur son esprit l’enchaînant dans un enfer quotidien qu'il ne peut plus comprendre, assimiler et supporter...

Je regrette qu'il ne soit pas mort dans son dernier infarctus. Il n'aurait pas eu à vivre et à supporter ce qui lui arrive. 

Combien de fois m'a-t-il dit qu'il aurait préféré mourir. Qu'il voulait se flinguer. Qu'il se serait flingué s'il avait su comment ça allait tourner...

Mais nous voilà. Prisonnier de sa maladie. De sa souffrance. Nous devons nous adapter et souffrir avec lui chaque jour... Je ne vais pas tenir...C'est trop dure. 

J'essaie de faire bonne figure, de faire ce qu'il faut, d'être fort pour ma fille. Pour elle je vais tenir. Pour elle je ferai ce que mon père a fait pour moi. Parce que dans les lambeaux de ma vie aujourd'hui, ce lien qui m'a uni à mon père et qui m'unit aujourd'hui à ma fille, est la seule chose pour laquelle mon coeur trouve encore quelques battements...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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